Carlton Lille 2
© Philippe Huguen / AFP

Procès du Carlton : le témoignage de Jade, ex-prostituée

Une ancienne prostituée, une rare qui s’est portée partie civile, est venue témoigner à la barre ce mardi matin. Cette jeune femme a expliqué de quelle manière elle est tombée dans la prostitution et comment elle a rencontré René Kojfer par l’intermédiaire de Dodo la Saumure.

Nous l’appellerons “Jade”. Elle se désignait par ce surnom quand elle a commencé à se prostituer, en 2007. La jeune femme porte des lunettes et une perruque couleur châtain, coupée au carré, choisissant de dissimuler un maximum son visage.

“J’ai eu un gros souci financier, j’avais deux enfants en bas âge. Mais on ne choisit pas cette situation. Je ne me suis jamais offert des bottes ou des sacs de marque”, affirme-t-elle. Les mots sont clairement choisis, parfois avec hésitation.

“Comment est-ce arrivé ? demande doucement le président Lemaire.

– Un jour, vous ouvrez le frigo, il est presque vide. Là, vous vous dites : il faut que je me lance, explique-t-elle d’une voix tendue, en indiquant qu’elle a répondu à une petite annonce. J’étais morte de trouille dans la voiture lorsque le chauffeur m’a conduite. Voilà comment j’ai mis le pied dedans.”

Jade a ainsi commencé à travailler dans les différents clubs de Dodo la Saumure, le long de la frontière franco-belge.

“Comment avez-vous rencontré M. Kojfer ? s’enquiert le président.

– Je travaillais dans un bar, chez Dodo. Il était venu avec plusieurs amis. En bas, il y avait le champagne, on faisait la fête. En haut, il y avait les hommes qui emmenaient les filles… Avec René, on était un peu les gais lurons de la fête.”

“On était le dessert…”

La grande difficulté de la jeune femme est de devoir s’exprimer devant un tribunal alors qu’elle avait demandé le huis-clos. “Vous m’imposez cela”, éclate-t-elle d’un coup. Elle reproche notamment à des médias d’avoir diffusé sa véritable identité. Depuis cinq ans, grâce notamment au mouvement du Nid, la jeune femme a retrouvé un emploi. Elle a laissé derrière ce passé, comme elle dit.

Et de reprendre sa description de ces après-midi à Lille en compagnie de René Kojfer, Hervé Franchois et Francis Henrion, respectivement propriétaire et directeur du Carlton.

“Je suis venue deux ou trois fois dans un appartement, ce n’était pas à l’hôtel”, précise-t-elle. Toujours selon Jade, “ces messieurs faisaient leur choix parmi les femmes présentes.”

“On vous offrait le déjeuner ? demande le président.

– Oui. On était le dessert”, ironise-t-elle, en admettant préférer ces “après-midi de récréation” aux sordides chambres de passe.

“Vous leur en voulez ? continue le président.

– Le sentiment est mitigé. (Elle hésite, cherche ses mots). Avec eux c’était classe, ce n’était pas la grosse boucherie. Ils ne me rabaissaient pas, ils n’ont pas triché. Les autres (elle parle des amis de Dominique Strauss-Kahn), je leur en veux car ils m’ont présentée à une personne publique.”

La dernière rencontre, René Kojfer qui indique que l’argent venait de la direction, donne 120 euros. “Les temps sont durs”, lui explique-t-il en lui donnant aussi un peignoir blanc. Sans l’écusson du Carlton.

La jeune femme se crispe. Véritablement tendue, elle souhaite sans doute que les questions se terminent. “Quand on paye pour un acte physique, c’est imposer un choix que l’autre n’a peut-être pas. On ne peut pas tout acheter”, finit-elle.

Jade devra pourtant de nouveau témoigner ces prochains jours, sur les deux autres volets du dossier : ses liens avec Dodo la Saumure et les soirées organisées pour Dominique Strauss-Kahn, la jeune femme ayant participé à deux d’entre elles à Washington.

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