Les études de genre en Rhône-Alpes

Nous publions ci-dessous le texte de Ludovic Viévard “Les études de genre, l’émergence d’un champ de recherche et son institutionnalisation”, paru dans Au fil des humanités, de Marianne Chouteau, Sylvie Mauris-Demourioux, Catherine Foret et Ludovic Viévard – 8 récits d’aventures scientifiques dans la région lyonnaise réalisés pour la direction de la prospective et du dialogue public du Grand Lyon, 2013.
Toutes les références entre parenthèses dans le texte renvoient à la biblio en dernière page de cet article.

“[Sans une approche genre], on étudie les canuts comme si c’était tous des hommes ou comme si les femmes étaient des hommes.” (Viennot, 2011.)

La région lyonno-stéphanoise compte 34 laboratoires en sciences humaines et sociales labellisés A ou A+ dont 13 abritent des chercheurs intéressés par les questions de genre. Une part importante de l’excellence académique des SHS de la métropole est ainsi constituée par les études de genre (Régnier, 2011). Cette manière d’envisager les thématiques de recherche est assez nouvelle. S’il existe des études sur les femmes depuis le XIXe siècle, et même avant (Viennot, 2011), la constitution d’un véritable champ de recherche internationale date de la fin des années 1960. Pour cela, il aura fallu que les études féministes, mal perçues par l’institution, fassent la preuve de leur apport à la connaissance des phénomènes sociaux. Aujourd’hui reconnues, elles souffrent pourtant encore de leur constitution tardive et apparaissent comme un champ académique éclaté dans lequel les chercheurs ont cependant su tisser des liens informels.

La nouveauté et la pertinence du regard que permettent les études de genre sur la société, leur interdisciplinarité et la vitalité incontestable de chercheurs et de chercheures qui ont dû s’imposer contre l’institution, sont autant de faits qui contribuent à leur excellence.

De la militance à l’université

Les études féministes et les études sur les femmes naissent à la fin des années 1960 aux États-Unis (Thébaud, 2007). C’est dans la mouvance de la libération des femmes que se constitue ce champ de réflexion et de militance qui cherche à affirmer la place et le rôle des femmes dans la société. Pour les tenants de ce courant de pensée, il est nécessaire de poser un regard nouveau sur les femmes, afin d’analyser spécifiquement leurs situations, différentes de celles des hommes qui pourtant tendent à s’imposer comme normes d’une histoire universelle.

Dans les années 1980, les études sur les femmes se sont élargies pour intégrer la place et le rôle des hommes. Il s’agit alors d’analyser et de comprendre “ce qu’on appelait les rapports sociaux de sexe” : c’est la naissance des gender studies (Houel, 2012). Ainsi les études sur les femmes, puis les gender studies sont un mouvement qui n’est pas venu de l’institution académique, mais qui s’est progressivement imposé depuis la société civile, selon une construction qualifiée de “bottom-up” (Picq, 2005). Différentes étapes sont remarquables dans cette dynamique : “Une phase militante (avec des enseignements optionnels et l’introduction de perspectives féministes sur une base individuelle), une phase d’institutionnalisation (avec des cours “spécifiques” et des unités de coordination interdisciplinaire), une phase de professionnalisation (avec la création de postes d’enseignant et de diplômes), enfin une phase d’autonomie (où les études sur les femmes sont reconnues comme une discipline à part entière dans le système d’accréditation). L’expérience française s’inscrit assez bien dans ce schéma (si on exclut la phase d’autonomie qui ne correspond ni au contexte universitaire français ni à une stratégie des actrices)” (Picq, 2005).

Dans l’aire urbaine lyonnaise, le mouvement a été identique. À cet égard, les gender studies, au niveau local, sont emblématiques d’une histoire beaucoup plus vaste et, avec quelques autres sites précurseurs comme Aix, Toulouse ou Paris (Paris 7-Censier-Jussieu, Paris 8-Vincennes et Dauphine), la région lyonno-stéphanoise tient une place à part dans le paysage des études de genre en France.

Très tôt, des Lyonnaises se sont intéressées à la question des femmes. La mobilisation de certaines d’entre elles, qui étaient à la fois militantes et chercheures, a largement contribué à établir plus fermement ce champ de recherche au plan national. Annik Houel, “à l’origine du développement des études de genre à Lyon” (Viennot, 2011), raconte que tout a commencé à partir du très militant Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Des membres de l’antenne lyonnaise de ce mouvement national ouvrent en 1976 le Centre lyonnais d’études féministes (CLEF). Il s’agit de militantes de gauche, féministes, par ailleurs enseignantes à l’université. Outre Annik Houel, formée en sociologie et en psychologie, est présente Huguette Bouchardeau, agrégée de philosophie. Toutes deux sont titulaires de leur poste à l’unité de psychologie de l’université Lumière-Lyon 2 et donc “invirables” (Houel, 2012). Elles sont le centre d’un réseau qui compte également des chargées de cours, comme les sociologues Brigitte Lhomond (aujourd’hui chargée de recherche au CNRS, au laboratoire Triangle) ou Helga Sobota (aujourd’hui directrice des affaires culturelles de Rennes métropole).

“On a commencé à acheter des livres, et on tenait des permanences
pour prêter des livres de façon bénévole. Comme on était enseignantes par ailleurs, c’était un peu compliqué, mais il y avait d’autres femmes qui sont venues nous aider alors qu’elles n’étaient pas forcément de l’université. C’était un centre de documentation qui était un des premiers sur Lyon à récolter des livres, à rassembler des livres sur les femmes, sur le féminisme” (Houel, 2012).

D’une manière générale, elles sont peu considérées par l’institution. On leur reproche leur militantisme, qui cadre mal avec la neutralité qui sied à la conduite de recherches scientifiques. Si elles ne sont pas soutenues par l’université, celle-ci ne leur est toutefois pas ouvertement hostile. Ces femmes organisent les premiers enseignements dans une indifférence relative de la part de l’institution, conscientes que ce qu’elles font, au mieux, ne sert pas leur carrière universitaire.

“Il y a des recherches féministes, qu’on appelle de genre de nos jours, depuis le milieu des années 1970 en France, mais qui étaient souvent marginales, c’est-à-dire qui étaient faites soit par des gens qui n’étaient pas dans l’université, soit par des gens dans l’université, mais qui ne pouvaient pas avouer ou ne pouvaient pas les mettre sur le devant de la scène” (Viennot, 2011).

Malgré l’absence de moyens, ces pionnières déclenchent autour d’elles un fort courant d’intérêt. En effet, les cours d’option qu’elles organisent sont des enseignements transversaux assurés par des littéraires, des historiennes, des psychologues, des sociologues, etc., qui répondent à une forte demande des étudiants.

En 1980, le CLEF organise à Lyon un colloque intitulé “Les femmes et la question du travail”, mais c’est surtout le colloque de 1982, à Toulouse, qui marque une première reconnaissance des études de genre en France. Ouvert par Maurice Godelier, alors chargé de mission au ministère de la Recherche pour le secteur des sciences de l’homme et de la société, ce colloque “Femmes, féminisme et recherche (1)” est né, au forceps, d’un vaste programme de réflexion nationale sur l’organisation de la recherche, après l’élection de François Mitterrand. Quelques années après le colloque, en 1984, le CNRS lance une “action thématique programmée” (ATP) consacrée aux “Recherches sur les femmes et recherches féministes”, qui marque un peu plus la légitimité des études de genre dans la recherche académique.

Cette institutionnalisation reste toutefois limitée et en marge ; les études féministes demeurent mal perçues et l’interdisciplinarité est un obstacle à l’intégration des études de genre au système français (Le Feuvre, Metso, 2005, p. 36). Or, “quand on ne peut passer par les universités”, il devient nécessaire de développer “des réseaux”, explique Éliane Viennot : “On avait besoin de se réunir, de se confronter, de voir ce qui se faisait” (Viennot, 2011). De ce point de vue, la préparation du colloque fut l’occasion pour beaucoup de chercheures de se rencontrer et de tisser les liens entre recherche et engagement militant. Ces réseaux s’unirent notamment dans l’Association nationale des études féministes (ANEF), fondée en 1989, qui fonctionne aujourd’hui encore comme un réseau de ressources et de lobbying pour le développement des études féministes, la création de postes fléchés d’enseignants, de chercheurs et de documentalistes. Ainsi s’est progressivement faite l’entrée des études de genre à l’université, institutionnalisées non pas pour elles-mêmes, mais grâce à leur intégration à une discipline (Le Feuvre, Metso, 2005, p. 37).

Dans un contexte de méfiance de l’institution pour les études de genre d’ailleurs peu représentées à l’université, il n’est pas toujours facile de se former. Plusieurs chercheurs travaillant sur les questions du genre disent s’être formés à l’étranger. Thierry Terret, du Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS), explique qu’en 1990, lorsqu’il découvre l’importance “de la place des femmes dans l’histoire du sport” et qu’il s’intéresse aux gender studies, celles-ci “n’avaient quasiment pas d’existence” en France. Il lui a ainsi fallu se “forge[r] des compétences, à l’étranger essentiellement, (...) en Australie, en Angleterre, en Allemagne, etc.” (Terret, 2011). Claire Dodane témoigne de la même difficulté lorsqu’elle a entrepris pour sa thèse l’étude de la poétesse japonaise Yosano Akiko. Elle explique : “En travaillant sur cette femme écrivain, je me suis rendu compte que j’aurais du mal à en parler de manière pertinente sans m’intéresser à l’histoire des femmes au Japon. Et, comme il n’y avait à la fois rien sur les femmes écrivains modernes et rien sur l’histoire des femmes ou l’histoire des mouvements féministes au Japon, c’est un sujet que j’ai traité dans ma thèse (...). Mais, encore une fois, sans que personne, en France du moins, ne puisse me conseiller ou me servir de maître, d’aïeul ou de référence” (Dodane, 2011).

Dans le système universitaire français, “la compétence “ès genre” ne peut qu’être un supplément qui ne remet pas en cause des frontières souvent très disputées. Dans ce contexte difficile, elles [les enseignantes-chercheuses] ont adopté la seule position possible : la “stratégie d’intégration”. Mais celle-ci présente l’inconvénient majeur de ne permettre aucune reconnaissance explicite du champ de recherche et d’enseignement qu’elles représentent : les conditions minimales pour la transmission d’un savoir entre les générations sont aussi difficiles à maintenir qu’elles ont été difficiles à mettre en place” (ANEF, 2003, p. 55).

Toutefois, progressivement, les enseignements se complètent. Les études sur le genre attirant des chercheurs – ou plutôt des chercheures, essentiellement (2) –, les offres de formation se font plus nombreuses. Un cursus genre est ainsi possible au niveau master dont plusieurs sont désormais proposés. On peut ainsi citer le parcours “Histoire des femmes et du genre” du master Histoire moderne et contemporaine, partie intégrante du master européen (joint degree) MATILDA “Histoire des femmes et du genre/Women’s and Gender History” à Lyon 2, le parcours du master 2 “Masculin-féminin : études sur le genre” de la faculté des lettres, sciences du langage et arts de Lyon 2, et les master Égales (master 1 et 2) et Égalités (master 2) proposés depuis 2011 par la faculté d’anthropologie et de sociologie de Lyon 2.

Il faut cependant noter que l’offre de formation est encore peu lisible et qu’un travail de recensement réclamé depuis longtemps par les acteurs du secteur devrait voir le jour. Enfin, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a mis en place un groupe “Genre” dans le cadre de sa stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI). Le but de ce groupe – qui rassemble des représentants d’universités mais aussi d’associations (Mnémosyne, ANEF, Efigies), de partenaires institutionnels (ANR, Observatoire de la parité, institut Émilie-du-Châtelet, conférence des présidents d’université), de structures spécialisées (Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire national sur le genre) et de cursus d’enseignement sur le genre (master Genre de l’EHESS, master Égales à Lyon, cursus Présage à Sciences Po) – est de proposer un état des lieux et de formuler des propositions à la fois sur les thématiques de recherche à développer et sur les leviers institutionnels nécessaires à une meilleure intégration des études de genre dans le champ académique.

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1. Sur l’histoire de la préparation de ce colloque, voir Kandel, 2001.

2. “Les études femmes sont sans doute le seul domaine dans l’enseignement supérieur qui ait été institué uniquement par des femmes. Dans l’ensemble des pays étudiés, 95 % au moins du personnel concerné
est de sexe féminin. Ce qui est un succès notable dans un contexte universitaire où, dans la plupart des disciplines, la prise de décision et les valeurs sont dominées par les hommes et le nombre de femmes professeures très bas” (ANEF, 2003, p. 52).

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Discipline ou méthodologie ?

Une des caractéristiques des études de genre est qu’elles sont fortement éclatées. On reviendra plus loin sur cette structuration. Disons seulement pour l’instant que, si la recherche est active, il n’existe pas aujourd’hui d’unité de recherche spécifiquement dédiée aux études de genre. Une des explications tient, pour partie au moins, à une façon de comprendre les études de genre, qui n’est d’ailleurs pas partagée par tous les acteurs du secteur. La question du genre constitue-t-elle un champ disciplinaire ou un axe méthodologique et problématique ? Pour le sociologue Pierre Mercklé, il s’agit d’un “angle d’attaque” à partir duquel “on peut penser tous les phénomènes sociaux” (Mercklé, 2011).

Ainsi, plus qu’un objet, le genre serait une manière d’aborder des questionnements, un angle problématique capable de mettre à jour des phénomènes sociaux ignorés ou minimisés jusque-là. Les études de genre sont alors à même de fournir des armes nouvelles aux différentes disciplines des sciences humaines : elles leur permettent de se renouveler en redéfinissant leurs problématiques traditionnelles, comme en témoigne Thierry Terret pour son laboratoire, le CRIS : “Au début des années 2000, j’ai redéfini les axes scientifiques du laboratoire en faisant des études de genre un des principaux axes de recherche, en agrégeant des gens d’horizons disciplinaires différents, depuis l’anthropologie jusqu’à la psychologie, en passant par la sociologie, l’histoire et la philosophie. Et cet ensemble de compétences a permis de développer des travaux assez originaux sur la connaissance des relations entre le sport et le genre, le féminin et le masculin, les relations inter-sexes. Je poursuis toujours aujourd’hui : c’est l’un des trois ou quatre grands axes de recherche de mes travaux. Je suis à la fois un historien du sport et un spécialiste d’études de genre, qui ne se réduisent pas du coup à l’histoire quand je
suis sur ces problématiques-là : cela s’ouvre aussi bien aux sciences de l’intervention, à la sociologie, à la psychologie sociale” (Terret, 2011).

L’interdisciplinarité s’impose comme une caractéristique des études de genre car les rapports sociaux de sexes s’observent dans tous les champs disciplinaires. Contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis avec les women studies, il n’y a pas eu en France de cursus “genre”, mais une intégration méthodologique de la question du genre aux disciplines traditionnelles. Il ne s’agit toutefois pas d’une position toujours partagée : “Ça, ça a été débattu très longtemps à l’ANEF : est-ce que vraiment on se lance dans le mouvement des women studies ou pas ? Dans l’ensemble, on était plutôt contre. Et c’est là qu’on a dit : on veut des postes dans chaque discipline. (...) Parce qu’il nous semblait – on avait peut-être tort – que ça ne serait absolument pas rentable sur le marché du travail en France, donc qu’on envoyait les jeunes femmes dans des impasses” (Houel, 2012) (3).

D’autres chercheurs, comme Éliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne et chercheure à l’Institut d’histoire de la pensée à l’âge classique, déplore l’inexistence d’une discipline genre : “Il n’y a pas de section du Conseil national des universités sur le genre. On est obligé de se mettre en histoire, en littérature, en philosophie, en histoire des sciences, etc. Mais il n’y a pas comme dans beaucoup d’autres pays une discipline qui s’appelle le “gender”, ou le genre, alors que ça a vocation à être une discipline. Mais ça arrivera d’ici dix ans je pense. Dans dix ou quinze ans. (...) Le monde académique est très immobile. (...) Et je pense que pour obtenir cela, pour y arriver, il faudrait obtenir une section CNU. Il faudrait que ce soit reconnu comme une discipline, parce que là on entre vraiment dans l’institutionnalisation : il faut dire combien de postes par an, il faut nommer des spécialistes, etc. Tant qu’on n’a pas obtenu ça, on est condamné à faire des propositions au coup par coup au cœur de la forteresse” (Viennot, 2011).

Enfin, le texte présentant le pôle “genre et politique” du laboratoire Triangle affiche un troisième positionnement, à l’articulation des deux premiers : “Le genre n’est pas un terrain, ni même une méthode. À ce titre, les études “genre” n’ont pas vocation à devenir une discipline au sens classique. Le pôle Genre et Politique se situe ailleurs, dans la mesure où les interrogations qu’il soulève, et les conclusions auxquelles celles-ci mènent, forcent à revisiter les catégories traditionnelles en usage dans les “disciplines”. Ces résultats forcent à modifier le regard, à “changer de lunettes” et impliquent, de ce fait, de vrais bouleversements dans les habitudes, habitus et réflexes scientifiques (4).

On voit ainsi que ces trois façons de comprendre les démarches centrées sur les questions de genre – qui mêlent à la fois des considérations scientifiques et des enjeux stratégiques – n’ont pas aidé à structurer le mouvement. Aujourd’hui, toutefois, il est manifeste que les choses ont changé. L’institutionnalisation des études de genre se faisant progressivement, la difficulté soulevée par l’ANEF concernant les débouchés d’un cursus “genre” pourrait être de moins en moins réelle. Comme le dit Annik Houel, “en France, on n’a pas fait le choix des vraies women studies (...) sauf au niveau M1-M2”. Ces masters proposent à la fois des ouvertures recherche et des débouchés “métiers”, par exemple “chargée de mission pour l’égalité des chances, chargée de mission lutte contre les discriminations”, etc. (5)

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3. Voir aussi Le Feuvre Nicky, Metso Milka, 2005, p. 37.

4. http://triangle.ens-lyon.fr/spip. php?rubrique343

5. Voir l’argumentaire des masters, en ligne.

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Une recherche en archipels

Une des caractéristiques de la recherche sur le genre dans l’aire Lyon/Saint-Étienne est d’être dispersée, voire “atomisée” (Viennot, 2011). Pourtant, les forces en présence sont importantes, tant concernant la masse critique que l’excellence. On l’a dit, pour contourner le manque de reconnaissance, les chercheurs ont privilégié la voie de l’intégration de la thématique “genre” à leur discipline d’origine. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs laboratoires comptent des axes ou des équipes sur le genre. De fait, pas moins de 20 laboratoires de sciences humaines et sociales sur les 65 de la métropole comptent au moins un chercheur conduisant une réflexion sur le genre. Sur ces 20, au moins 13 sont notés A ou A+ par l’AERES (6).

Parmi ces laboratoires, tous n’affichent pas un axe “genre”, ce qui indique, soit que cette question n’est pas mise en avant dans les axes stratégiques, soit qu’elle est portée, marginalement, par un chercheur qui l’utilise pour structurer une partie de ses problématiques. Ainsi Merete Stistrup Jensen, spécialiste des littératures scandinaves, maître de conférences en littérature comparée à l ́université Lyon 2, travaille-t-elle sur la question de l’écriture des femmes, sans que cela apparaisse dans l’affichage de l’axe Littérature francophone et comparée de son laboratoire de rattachement, Passages XX-XXI. Au centre Max-Weber, la présentation de l’équipe 5, “Parcours : mobilités, familles, migrations”, ne mentionne pas de travaux sur le genre alors que l’une des chercheures, la sociologue Laurence Tain (Lyon 2), est très active sur cette question.

D’autres laboratoires en revanche mentionnent clairement un axe sur le genre. C’est le cas du LIRE (Littérature, Idéologies, Représentations, XVIIIe-XIXe siècles, Lyon 2) avec “Masculin/féminin : études sur le genre”, axe dirigé par Christine Planté (Lyon 2), ou de Triangle avec “Genre et politique”, dirigé par Anne Verjus (CNRS). C’est encore le cas à l’Institut d’histoire de la pensée classique où Éliane Viennot (Jean-Monnet) dirige l’équipe “Femme, culture et pouvoir : études sur le genre”. Il faut encore citer le LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes) et son équipe “Genre et société” dirigée par Pascale Barthélémy (ENS) ; le CRIS, qui propose un axe “Histoire et socio-anthropologie du sport et du genre” porté par le directeur de l’unité, Thierry Terret (Lyon 1) ; ainsi que l’IETT (Institut d’études transtextuelles et transculturelles, Lyon 3) qui affiche un axe de recherche “Genre : pratiques et représentations”.

On le voit, les études de genre font partie des axes de recherche de plusieurs laboratoires et, même lorsque cela n’apparaît pas dans l’un de leurs axes, les chercheurs qui se sont emparés de ces thèmes sont nombreux.

Histoire, lettres classiques ou modernes, langue, sociologie, anthropologie, philosophie, etc., ces chercheurs relèvent d’horizons disciplinaires très divers, mais ils ont su créer de nombreux liens. Si la recherche sur le genre est fortement dispersée et sectorisée, elle a dû s’organiser pour trouver les moyens de se fédérer. Il existe plusieurs types de mise en lien au sein de ce secteur.

Les premiers sont des réseaux nationaux, qui mettent en avant l’importance du genre pour renouveler une discipline universitaire ; les seconds valorisent les études de genre dans leur interdisciplinarité. Dans les deux cas, les chercheurs de la région sont très bien intégrés. On a déjà évoqué l’ANEF, Association nationale des études féministes, l’une des premières fédérations et des plus actives pour la promotion nationale des études de genre, qui fut créée en 1989 avec la participation de l’association lyonnaise le CLEF. Annik Houel en fut présidente plusieurs années (Houel, 2012) et siège toujours au conseil d’administration.

Créé en 2001 par les universités Paris 7, Paris 8, Toulouse-Le Mirail et l’université Lumière-Lyon 2, le Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire national sur le genre (RING) est également un acteur important. Labellisé fédération nationale de recherche sur le genre en 2009, il réunit à ce jour une trentaine d’établissements. Christine Planté, professeure à Lyon 2 et chercheure au laboratoire LIRE, fait partie des membres du comité directeur de cette organisation et compte parmi ses trois responsables scientifiques. Cette spécialiste de la littérature du XIXe siècle fait également partie du comité scientifique d’un autre réseau national, l’institut Émilie-du-Châtelet, lequel compte Éliane Viennot comme l’une de ses deux vice-présidentes. Cette dernière a également dirigé entre 2000 et 2009 la Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime (SIEFAR) dont elle fut cofondatrice. Marie-Carmen Garcia (Lyon 2), du centre Max-Weber, est membre du bureau du comité de recherche “Sociologie des rapports sociaux de sexe” de l’Association internationale des sociologues de langue française. L’historienne Pascale Barthélémy (ENS/LARHRA) préside Mnémosyne, une association nationale pour le développement de l’histoire des femmes et du genre. L’historienne Sylvie Schweitzer (Lyon 2/LARHRA) fait partie de l’équipe du réseau de recherche international et pluridisciplinaire MAGE.

À noter encore, l’association nationale de doctorants Efigies, “très active à Lyon, où elle tient un séminaire à l’ENS de Lyon et anime une liste d’information et de discussion (7)”. Une cartographie de ces réseaux – qui reste à faire finement – ferait apparaître plus encore, certainement, l’interconnexion des chercheurs intéressés au genre, au niveau national et international.

Il existe un second type de réseau, local et interdisciplinaire, qui permet aux chercheurs sur le genre de se rencontrer, parfois de collaborer sur des projets communs. Interrogée sur les liens construits à Lyon, Claire Dodane (Lyon 3/IETT) explique les rencontres faites notamment avec Christine Planté et les possibilités de collaboration autour du travail sur le genre et la langue.

Le centre Louise-Labé, fondé par Annik Houel pour prendre la suite du CLEF (Houel, 2012) et aujourd’hui dirigé par Patricia Mercader (Lyon 2/CRPPC), est un point central des études de genre (voir encadré). On peut encore citer le GEM, un groupe de recherche interdisciplinaire de Lyon 1-IUFM de Lyon, qui cherche à “faire des propositions de formation ambitieuses aux enseignant.e.s et futur.es. enseignant.e.s au sein d’un institut universitaire de formation des maîtres pilote en matière d’éducation à l’égalité entre filles et garçons dans le cadre scolaire depuis la convention interministérielle sur l’égalité de 2000 (8).

Dans ces deux lieux, il faut noter qu’un effort important a été fait pour créer des fonds documentaires. Ainsi, en constituant des bibliothèques
d’études thématiques sur le genre, le centre Louise-Labé et l’IUFM, à travers le fonds Aspasie, s’imposent
comme des lieux ressources, capables d’attirer des
chercheurs en quête de documentation. À noter enfin, l’existence, depuis 2008 au moins, d’un séminaire
interdisciplinaire sur le genre proposé par l’Institut des
sciences de l’homme (ISH). Dirigé par Christine Planté (Lyon 2/LIRE) et Laurence Tain (centre Max-Weber), il
tient une place tout à fait importante dans le paysage
des études sur le genre et permet de faire se rencontrer
les enseignants-chercheurs de Lyon 2, Lyon 3 et de
l’ENS (9).

Ce séminaire est d’ailleurs à l’origine, avec Pascale Barthélémy du LARHRA, d’une rencontre intitulée “Pour une structuration des études et recherches sur le genre en Rhône-Alpes” tenue à l’ISH le 4 avril 2012. Celle-ci a marqué le point de départ de rencontres régulières et a été l’occasion de lancer trois groupes de travail consacrés au recensement et à l’accès aux fonds documentaires, au recensement des offres de formations, et à l’organisation des études conduites dans la région sur la question de la sexualité. L’objectif est aussi de créer un annuaire voire une plate-forme des études de genre en Rhône-Alpes, ainsi qu’une lettre de diffusion permettant une meilleure articulation des différentes initiatives.

Après ce très gros travail de mise en réseau par les acteurs eux-mêmes, l’institutionnalisation croissante du domaine a amené d’autres effets de structuration et de mise en relation. L’Union européenne y a joué un rôle, puisque dès 1988 le Parlement européen, à travers une résolution sur “La femme et la recherche”, demandait aux États membres “de créer des chaires et d’organiser des cours de spécialisation dans ce domaine. C’est cette impulsion européenne et la perspective de tisser des réseaux européens de women’s studies ou de feminist studies, qui ont incité les organisations régionales issues du colloque de Toulouse à se regrouper en association nationale [l’ANEF]” (ANEF, 2003, p. 7).

Il faut encore noter que c’est grâce à des fonds européens, le Fonds social européen notamment, que le centre Louise-Labé a pu développer son activité (Houel, 2012). L’allocation de ces fonds était conditionnée à un effort financier de l’université Lumière-Lyon 2 qui assure un poste de documentaliste et fournit les locaux.

Un autre effet de structuration est par exemple produit par l’enquête conduite en 2011-2012 par le CNRS. Il s’agit pour cette institution de recenser l’ensemble des chercheurs qui travaillent sur la question des femmes ou du genre “afin d’apporter de la visibilité à une communauté scientifique éparpillée au sein du monde de la recherche française (10). L’équipe en charge du recensement a reçu 2 048 fiches de chercheurs travaillant sur les questions de genre et 1 025 sont accessibles via le moteur de recherche en ligne (11).

Toujours du côté des effets structurants de l’institution, il convient de citer l’impact des ANR, qui permettent de constituer des équipes inter-laboratoires. Aujourd’hui, la volonté de regroupement des chercheurs travaillant sur le genre est rendue plus cruciale encore par l’institutionnalisation des gender studies. Ce secteur de la recherche pourrait en effet connaître une profonde recomposition.

L’Institut des sciences humaines et sociales (INSHS), affirmant son souhait de faire des études de genre une priorité thématique, a créé en 2011 un groupement d’intérêt scientifique (GIS), Institut du genre. Il rassemble à ce jour les 35 établissements de tutelle des UMR affichant un axe de recherche autour du genre, c’est-à-dire des universités et des grands organismes de recherche. Ce GIS Institut du genre – qui compte deux chercheurs travaillant à Lyon parmi les membres de son conseil scientifique, Pascale Barthélémy (ENS/LARHRA) et Claude Gautier (Montpellier III/Triangle) – a pour objet de soutenir le développement des études de genre par des financements ciblés autour de 10 thèmes de recherche jugés prioritaires, de diffuser les travaux, et d’être un lieu de coordination de la recherche sur le genre.

L’intérêt du CNRS se manifeste également par le biais de la Mission pour la place des femmes, depuis 2001, intérêt singulièrement renforcé depuis 2010 avec le recensement national des recherches sur le genre et/ou les femmes.

Cette démarche qui va nettement dans le sens d’une reconnaissance des études de genre fait apparaître, selon Pascale Barthélémy, une région Rhône-Alpes “extrêmement bien représentée”, ainsi que Lyon qui s’impose parmi les grands pôles avec Paris, Toulouse, Aix-Marseille et Rennes (12). Ainsi, l’institution affirme-t-elle son ambition, qui “est de rendre manifeste que le genre est un champ de recherche transverse à de très nombreuses disciplines scientifiques, parfois très éloignées, telles l’histoire et les études cliniques (13).

Il s’agit ainsi pour la Mission de promouvoir les entrées “genre” dans les différentes disciplines, en sensibilisant les chercheurs à la façon de prendre en compte le genre dans leur recherche, mais également dans la réponse aux appels d’offres européens (14).

Cette montée en puissance des institutions interroge les réseaux de chercheurs, les associations et même la fédération RING sur leur place. Cette dernière, par exemple, réfléchit à son repositionnement qui, pour Christine Planté, doit être pensé dans la complémentarité avec le GIS Institut du genre et positionnés de manière large, incluant des acteurs de la “société civile” intéressés par les questions de genre ainsi que par des enjeux de transmission et d’enseignement (15).

Enfin, ces questions de mise en lien et de structuration se trouvent renforcées par les enjeux “métiers” et une demande de plus en plus forte de la société civile. La réflexion du CNRS sur le genre est ainsi conduite par la Mission pour la place des femmes au CNRS. À l’université Lyon 2, le centre Louise-Labé est également centre pour l’égalité des hommes et des femmes. À Lyon 1, une mission “égalité entre les femmes et les hommes” existe depuis 2008, dont sont en charge Christine Charretton (Lyon 1/institut Camille-Jordan) et Philippe Liotard (Lyon 1/CRIS). Cette mission est d’ailleurs à l’origine d’une charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui a été adoptée par le conseil d’administration de Lyon 1 le 18 décembre 2007, puis par la Conférence des présidents d’université (CPU) en 2009.

On voit que les questions de genre, qui sont nées de la société civile et du militantisme, réinvestissent cet espace : après avoir été institutionnalisée, la recherche sur le genre apporte des manières nouvelles de lire les rapports sociaux de sexes et de mettre en place des politiques de lutte contre les discriminations de genre. La mission “égalité” de l’université Lyon 1, par exemple, organise une biennale qui crée de nombreux liens entre l’université, les chercheurs, les élus, le secteur privé et les associations. Laurence Tain indique quant à elle être en lien avec des entreprises dans le cadre du master Égales (16).

Enfin, le grand public est de plus en plus désireux d’information sur ces questions du genre, élargies à de nouveaux thèmes de recherche, dont les identités sexuelles, gay, lesbien et transgenre. De ce point de vue, la question du genre, après une institutionnalisation difficile, acquiert une nouvelle légitimité, cette fois dans l’espace grand public. Elle trouve notamment une forte visibilité dans le Point G, centre ressources sur le genre de la bibliothèque municipale de Lyon.

L’intérêt croissant de la société pour les questions de genre amène là encore de la mise en réseau. C’est d’évidence ce qui s’est passé avec le Cluster 13, formule reprise par l’ARC 5. Financé par la région Rhône-Alpes, celui-ci comporte un axe “Genre et intersectionnalité”, auquel de nombreux chercheurs de la métropole participent. Ainsi, “certaines régions ont pris conscience des manques qui sont importants en France, parce qu’il y a maintenant beaucoup de pays qui sont sensibles à cette ouverture, tout simplement pour produire de la science correcte, ou pour connaître un milieu. Par exemple les régions qui veulent connaître quelle est leur population, quels sont leurs problèmes, quels sont leurs besoins, etc., ont besoin d’études qui regardent vraiment la population de A à Z, et pas une espèce de petit groupe (Viennot, 2011).

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6. Le centre Max-Weber, en cours de création au moment de la campagne d’évaluation 2010 de l’AERES, n’a pas été noté. Nous prenons également en compte l’axe “Genre en éducation” conduit à l’IUFM de Lyon.

7. Site du Cluster 13, projet “Genre et culture”.

8. Présentation du GEM sur Hypotheses.org

9. “Le séminaire interdisciplinaire tenu à l’ISH de Lyon sur “La différence des sexes comme catégorie des discours critiques et esthétiques”, les travaux sur “Masculin et féminin et presse au XIXe siècle” exploitant le champ des représentations de la différence des sexes comme constructeurs d’identités ou véhicule de préjugés, participent d’une élaboration théorique importante, à laquelle les études engagées sur George Sand concourent pour une part non négligeable” (AERES 2010/LIRE). Pour le programme de l’année 2011-2012, consulter le site de l’ISH.

10. Recensement national des recherches sur le genre et/ou les femmes, Guide d’utilisation, p. 3.

11. https://recherche.genre.cnrs.fr//fiche/index.php?reset

12. Séminaire interdisciplinaire sur le genre : Pour une structuration des études et recherches sur le genre en Rhône-Alpes, Lyon, ISH, le 4 avril 2012.

13. http://www.cnrs.fr/mpdf/spip.php?article85

14. http://www.cnrs.fr/mpdf/spip.php?article136

15. Lors du séminaire interdisciplinaire sur le genre : Pour une structuration des études et recherches sur le genre en Rhône-Alpes, Lyon, ISH, le 4 avril 2012.

16. Idem.

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Une recherche métropolitaine bien accueillie par les pairs

Bien qu’“en grande partie encore inexplorée, en tout cas en France”, les études de genre “occupent une place de plus en plus importante” (Mercklé, 2011). Et l’on peut dire que dans la région lyonno-stéphanoise, elles sont parvenues à s’imposer et à affirmer leur légitimité. Malgré une institutionnalisation très récente et probablement pas encore achevée (Viennot, 2011), “c’est une thématique forte, avec une grande visibilité, bien fédérée et où le nombre de chercheurs est important” (Régnier, 2011).

Pourtant, lorsqu’on demande à une personnalité comme Annik Houel quel est l’apport des chercheurs du territoire à la recherche nationale, voire internationale, elle indique moins des thèmes propres à la métropole ou un courant local d’idées que le fait que les études de genre conduites dans la métropole font vivre les études de genre au plan national et international, notamment “genre et école”, les contes, la violence, les violences conjugales, le transsexualisme (Houel, 2012).

Éliane Viennot souligne un même effet du travail des chercheures lyonnaises : “Elles ont travaillé pour que des séminaires s’ouvrent, pour que des cours soient ouverts, parce que sinon, on est rendu chacun à lire des livres. Si on ne peut pas enseigner, on perd énormément de temps, on n’arrive pas à former des docteurs. Le fait d’avoir ouvert des cours ou des séminaires à l’université est évidemment très important. Et puis ensuite, ça permet à des études de se faire, c’est-à-dire des thèses” (Viennot, 2011).

La recherche métropolitaine a ainsi contribué au développement de la recherche nationale et internationale et à sa vitalité actuelle, ce qui témoigne de son excellence. Ainsi l’AERES remarque-t-elle que les travaux des chercheurs de l’équipe “Genre et société” du LARHRA “font autorité dans l’histoire du genre”. Elle note également un “rayonnement international important à maintenir” (AERES 2010 – LARHRA). Au LIRE, l’axe de recherche sur le genre est également bien accueilli par les évaluateurs de l’AERES, qui soulignent “assurément une voix nouvelle originale” et estiment que “les coopérations nombreuses envisagées avec des universités américaines et européennes marquent la fécondité de cet axe” (AERES 2010 – LIRE). Le rapport d’évaluation du laboratoire Triangle indique de son côté que “le pôle “Genre et politique” est conçu, de manière pertinente, comme innervant l’ensemble des questionnements de l’unité” (AERES 2010 – Triangle). Dans le rapport concernant l’Institut d’histoire de la pensée classique, les rapporteurs soulignent la qualité des chercheurs, dont une (Éliane Viennot) a “reçu la Légion d’Honneur pour ses travaux sur la représentation des genres” (AERES 2010 – Institut d’histoire de la pensée classique). On peut encore mentionner le rapport examinant le projet 3 du CRIS sur l’“histoire du sport et le genre” : “Il s’agit d’un important thème de recherche vis-à-vis duquel le CRIS a développé une excellente expertise. L’objectif était de se centrer sur des périodes clés du changement social et sur la manière dont le “genre” intègre à la fois la féminité et la masculinité” (AERES 2010 – CRIS). On voit ainsi à quel point l’appréciation des travaux conduits sur le genre dans l’aire Lyon/Saint-Étienne renforce l’institutionnalisation et la reconnaissance de cet axe de recherche.

Un autre exemple de la vitalité des recherches sur le genre dans la métropole est donné par les programmes ANR. Entre 2006 et 2008 un premier contrat (genrebellion) portant sur les “Rébellions urbaines versus associations : “racialisation” et construction du genre (1968-2005)” avait été coordonné par Patricia Mercader (Lyon 2/CRPPC) et conduit avec Michelle Zancarini-Fournel (Lyon 1/LARHRA) et Sophie Béroud (ENS/Triangle). Un second contrat ANR est en cours pour la période 2008-2012 : “Pratiques genrées et violences entre pairs : les enjeux socio-éducatifs de la mixité au quotidien en milieu scolaire (ANR “Violécogenre”)”. Cet axe de recherche rattaché au programme ANR thématique “Enfants et enfances” 2009-2012 a pour objectif d’analyser les dimensions sexuées des violences exercées entre élèves ou à l’encontre des personnels des collèges. Coordonnée par Patricia Mercader et Annie Lechenet (Lyon 1/Triangle) pour une partie de la responsabilité scientifique, l’équipe en charge de cette ANR compte des chercheurs et des praticiens (conseillers d’orientation, psychologue scolaire, professeur d’EPS, etc.) de la métropole, mais aussi de Nice et Lille.

Terminons cette mise en récit des études sur le genre conduites dans l’aire Lyon-Saint-Étienne par leur capacité à organiser la diffusion de la recherche à travers les publications périodiques, les revues étant un bon indicateur de vitalité pour la recherche. Publiée depuis 1995, la revue CLIO, histoire, femmes et sociétés compte deux chercheures lyonnaises, Pascale Barthélémy (ENS/LARHRA) et Michelle Zancarini-Fournel (Lyon 1/LARHRA) dans son comité de rédaction. Brigitte Lhomond fait partie du comité scientifique de la revue en ligne Genre, sexualité & société. Pascale Barthélémy est également directrice de publication de la revue en ligne Genre et histoire, créée en 2007. Éliane Viennot a quant à elle créé deux collections aux Publications de l’Université de Saint-Étienne : la première, “La cité des dames”, regroupe des écrits de femmes de l’Ancien Régime ; la seconde regroupe des travaux consacrés aux études de genre dans différentes disciplines. Il faut encore mentionner la création en 2010 de deux nouvelles collections aux Presses Universitaires de Lyon (PUL) : “Sexualités”, dirigée par Rommel Mendès-Leite (Lyon 2/CRPPC) et “Des deux sexes et autres”, dirigée par Christine Planté et Jean-Marie Roulin (Jean-Monnet/LIRE) et éditée en alternance par les Publications de l’Université de Saint-Étienne (PUSE).

---> page suivante : zooms sur le centre Louise-Labé et l’ARC 5

Le centre Louise-Labé

En 2002, le centre Louise-Labé naissait de la transformation du Centre lyonnais d’études féministes (CLEF). Datant de 1976, ce dernier concrétisait les efforts des premières chercheures Annik Houel et Huguette Bouchardeau pour instaurer à l’université Lumière-Lyon 2 un centre de recherche et d’enseignement sur le genre. C’est grâce à l’aide du Fonds social européen que le CLEF peut franchir cette nouvelle étape. Il obtient également une meilleure reconnaissance de l’université, qui met à disposition des locaux et du personnel.

Ce centre de ressources, qui dispose d’un beau fonds documentaire sur le genre, constitue un point névralgique des enseignements sur le sujet. Il regroupe des enseignants-chercheurs des universités Lyon 2 et Lyon 1 et de plusieurs laboratoires de recherche.

ARC 5 : Cultures, Sciences, Sociétés et Médiations (CS2M)

Créés en 2004 par la région Rhône-Alpes, les clusters de recherche sont des programmes associant des chercheurs et enseignant-chercheurs de la région autour de thématiques définies pour une durée de cinq ans. Parmi les 14 clusters mis en place, le cluster 13 “Culture, patrimoine et création” comptait un axe “genre et culture”. Dirigé par Christine Planté, ce programme aura sans aucun doute contribué à structurer et à donner de la visibilité aux travaux sur les questions du genre.

Regroupant un grand nombre de chercheurs de plusieurs laboratoires de recherche et d’universités, cet axe du cluster 13 aura également permis d’initier de nombreux travaux originaux. L’effort s’est poursuivi en 2012 à travers la nouvelle structure porteuse de la recherche de la région : les “communautés académiques de recherche” (ARC). En effet, au cœur de l’ARC 5, la question du genre est bien présente à travers l’axe “Genre et intersectionnalité”.

---> page suivante : Bibliographie

Bibliographie indicative

• AERES 2010 – LIRE : “Rapport sur l’unité Littérature, idéologies, représentations aux XVIIIe et XIXe siècles (LIRE)”.

• AERES 2010 – LARHRA : “Rapport sur l’unité Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes”.

• AERES 2010 – Triangle : “Rapport sur l’UMR 5206 Triangle – action, discours, pensée politique et économique”.

• AERES 2010 – Institut d’histoire de la pensée classique : “Rapport sur l’unité Institut d’histoire de la pensée classique UMR 5037”.

• AERES 2010 – CRIS : “Rapport sur l’unité Centre de recherche et d’innovation sur le sport”.

• ANEF, 2003 : Andriocci Muriel, Falquet Jules, Ferrand Michèle, Houel Annik, Latour Emmanuelle, Le Feuvre Nicky, Metso Milka, Picq Françoise, Premier recensement national des enseignements et des recherches sur le genre en France. Rapport final aux ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, ministère de la Parité et de l’Égalité professionnelle, service du droit des femmes et de l’égalité, ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ministère délégué à la recherche, ANEF.

• Barthélémy Pascale, 2012 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 14 septembre.

• Dodane Claire, 2011 : entretien conduit par Sylvie Mauris-Demourioux le 5 octobre.

• Houel Annik, 2012 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 17 janvier.

• Kandel Liliane, 2001 : “Un tournant institutionnel : le colloque de Toulouse”, Les Cahiers du CEDREF, n° 10. En ligne (consulté le 23 janvier 2012).

• Le Feuvre Nicky, Metso Milka, 2005 : Disciplinary Barriers between the Social Sciences and Humanities. National Report on France, université de Toulouse-Le Mirail. En ligne (consulté le 15 janvier 2013).

• Mercklé Pierre, 2011 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 20 septembre.

• Merete Stistrup Jensen, 2000 : “La notion de nature dans les théories de l’“écriture féminine” 1”, Clio, numéro 11-2000, Parler, chanter, lire, écrire. En ligne (consulté le 26 janvier 2012).

• Picq Françoise, 2005 : “Les études féministes en France : une institutionnalisation problématique”, Labrys, janvier-juillet.

• Planté Christine, 2012 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 20 décembre.

• Régnier Philippe, 2011 : entretien conduit par Marianne Chouteau les 23 et 30 mai.

• Terret Thierry, 2011 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 6 septembre.

• Thébaud Françoise, 2007 : Écrire l’histoire des femmes et du genre, Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions.

• Viennot Éliane, 2011 : entretien conduit par Ludovic Viévard le 19 décembre.

Sites Internet

• Triangle > Genre et politique

• CNRS > Mission pour la place des femmes au CNRS

• Cluster 13 > Genre et culture

• GEM > Genre, égalité, mixité

• ISH > Séminaire interdisciplinaire sur le genre

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