Transition énergétique : "Les ONG n’ont pas été entendues"

ENTRETIEN - Le projet de loi sur la transition énergétique sera débattu à partir du 1er octobre à l’assemblée nationale. Il apparaît selon l’association WWF France que les recommandations des ONG n’ont pas suffisamment été prises en compte. Elle dénonce une absence de scénario concret, quant à la programmation des objectifs du texte. Lyon Capitale a interrogé Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie chez WWF France.

Lyon Capitale : Que pensez vous des objectifs fixés par ce projet de loi d’ici 2030 : réduction de 30% des énergies fossiles, de 40% l’émission des gaz à effet de serre par rapport à 1990, ou porter à 32% la part des énergies renouvelables (23% d’ici 2020) contre 13,7% en 2012.

Pierre Cannet : Ce projet vient acter des objectifs annoncés pour la plupart par le président de la République. Ils sont souvent insuffisants pour les ONG, mais permettent ici d’offrir une perspective. Sur les questions d’efficacité énergétique, l’objectif est de diviser par deux la consommation en 2050, mais rien pour 2030. Or il faut des buts clairs à mi-parcours. Une réduction de l’intensité énergétique de 2,5% (porter le rythme annuel de baisse à 2,5% d’ici 2030) est prévue, ce qui connecte les questions énergétiques et de croissance. Mais pas de valeur absolue sur la diminution de la consommation finale. A propos des énergies renouvelables, les ONG ont porté à 45% cette part lors des discussions. Avec le chiffre de 32%, il n’y aura hélas pas plus d’efforts réalisés par rapport aux objectifs initiaux.

Et concernant le volet sur les gaz à effet de serre ?

Nous sommes rassurés, car est inscrit l’objectif de diviser par 4 les émissions d’ici 2050 par rapport à 1990, en plus de celui fixé pour 2030. Il est cependant bien d’instaurer tous ces objectifs, mais le texte ne définit pas de scénarios concrets pour y parvenir. Il faut également associer la société civile, à l’élaboration des programmations pluriannuelles énergétiques, qui sont reportées à plus tard, avec des plans quinquennaux. La société civile était associée aux débats sur la transition énergétique, mais ce projet de loi fut essentiellement préparé par les ministères et les grandes puissances énergétiques. Les ONG n’ont au final pas été entendues.

Quelles faiblesses percevez-vous sur ce projet de loi ?

Ce texte doit servir la croissance verte. Pour cela il faut des instruments solides qui redirigent l’ensemble de nos activités, consommations et productions. Or il ne comporte aucune disposition sur la fiscalité. Les questions de régulation économiques, bancaires et financières, sont remises à plus tard. Nous espérons que la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique, (conclusions rendues en septembre) puisse remédier à ces points et conduire notre économie vers cette croissance verte. Des décisions touchant l’Etat peuvent cependant être saluées : convertir 50% de son parc automobile à l’électrique, accroître les borne électriques, améliorer les bâtiments publics etc. L’effort de financement est louable, avec des mesures de fonds dédiés pour les collectivités ou des crédit débloqués. Mais il faudrait trois fois plus que les 10 milliards annoncés pour accomplir la croissance verte.

Quel est votre point de vue sur la question du nucléaire dans le texte ?

Il n’y a, là aussi, pas de programmation. Dans les prochaines années va se poser la question de la fermeture des centrales. Il faut obtenir les garanties nécessaires sur la mobilisation des moyens, pour arriver au bon démantèlement des centrales impliquant des questions techniques très lourdes, notamment sur la gestion des déchets. Les montants sont actuellement provisionnés au sein d’Areva et d’EDF, et non communiqués. Nous avons proposé la création d’un fonds dédié, avec une transparence sur les sommes allouées.

Dans ce projet, des mesures touchent au logement, avec entre autres des incitations fiscales et bancaires auprès des particuliers pour la rénovation. Est-ce suffisant ?

La question est de s’assurer que ces rénovations répondent à des performances énergétiques. Il manque actuellement de garanties pour cela. Il n’y a pas assez de précisions sur la performance liée à ces rénovations.

Le texte vous paraît-il complet sur la question des transports ?

Le co-voiturage figure dans le projet de loi. Il a été étendu la notion de véhicule propre, plus seulement électrique. C’est une bonne chose d’aller dans ce sens pour les particuliers, en définissant cette notion de véhicule propre. Mais il est nécessaire de réfléchir aux déplacements à l’échelle macro, en couvrant les problématiques de trajet domicile-travail ou les questions d’urbanisme. WWF développe l’initiative "réinventer les villes", consistant à repenser nos modèles de déplacement, et qui passe par du transport doux (vélos, transports en commun, voies piétonnes, accès limités à certains véhicules etc.). La loi permet de réguler les questions de circulation en fonction des différents niveaux de pollution. Mais elle ne permet pas de réinventer la ville et les modes de déplacements, à partir des transports collectifs ou moyens de circulation doux. Elle n’aborde pas non plus le réseau ferré.

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