Des devoirs de vacances dans les valises ?

Selon une étude Ipsos sur le marché du livre, les ventes d’ouvrages parascolaires ont enregistré une bonne progression en 2011. Dans ce secteur, ce sont les cahiers de vacances qui arrivent en tête de cette évolution. Il faut dire que deux mois, c’est long. Trop au goût de certains parents, partagés entre le souhait de laisser décompresser leur enfant et la crainte que ses connaissances, durement acquises tout au long de l’année, ne s’envolent entre juin et septembre. Nous avons demandé leur avis à des psychologues et des enseignants.

“Pendant les vacances, les enfants ont besoin qu’on leur fiche la paix, ils doivent en profiter pour souffler, lâcher prise”, martèle Karine Josse, psychologue pour enfants et adolescents à Lyon. Oui mais voilà, habitués à jongler toute l’année avec un emploi du temps surchargé de devoirs et d’activités extrascolaires, les enfants ont parfois du mal à supporter l’inactivité. Les parents sont alors vite tentés de leur glisser un cahier de vacances entre les mains, histoire de les occuper intelligemment ! Ce qui serait une erreur : “Lorsque l’enfant s’ennuie, c’est le signe qu’il doit se reposer, explique la psychologue. C’est un temps pendant lequel le cerveau assimile tout ce qu’il a appris durant l’année. Même si l’enfant râle et réclame d’être occupé, son cerveau n’est en réalité pas prêt. Il faut le laisser s’ennuyer !”

Une fois ce principe de base respecté, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas stimuler son enfant pendant les vacances. Pour Isabelle Pommier, enseignante dans une école primaire lyonnaise, “il est important que ce que les enfants ont appris à l’école puisse être utilisé pendant leur temps de vacances. En revanche, je suis contre le travail scolaire à la maison”. C’est dans la vie de tous les jours que l’on saisira les opportunités pour solliciter les enfants et leur faire mettre en application leurs acquis scolaires. Un bon moyen de donner du sens à leurs apprentissages, tout en les consolidant. “C’est peut-être du travail déguisé, reconnaît Karine Josse, mais on reste dans le loisir, avec un maître mot : le plaisir.”

Jouez

Rien de tel que des petits jeux de société pour permettre à l’enfant de manipuler les mots, les chiffres, développer sa logique… Dans les jeux de dés, on n’hésite pas à prendre deux ou trois dés, pour que l’enfant s’exerce au calcul mental. En voiture, on peut lancer toutes sortes de jeux qui font fonctionner les méninges : devinettes, charades, jeux sur les plaques d’immatriculation…

Une activité sportive fera travailler les jambes, mais aussi la tête : l’enfant peut se chronométrer, calculer sa vitesse moyenne…
Cuisiner avec son enfant donne l’occasion de lui faire lire la recette, écrire les étiquettes des pots de confiture… Les gourmands qui veulent préparer un très gros gâteau seront amenés à doubler les proportions, et à calculer les nouvelles quantités ! On s’adapte en fonction de l’enfant. Il a besoin de progresser en écriture et en graphisme ?

Mettez l’accent sur les coloriages, les mandalas… Et puis, écrire dans le sable, écrire la liste des courses, une carte postale… c’est toujours écrire.

Un carnet à lui

“On peut proposer à l’enfant de faire lui-même son cahier de vacances. Un petit journal de bord dans lequel il racontera ce qu’il fait, donnera ses impressions..., suggère Isabelle Pommier. C’est très valorisant pour l’enfant : il va produire quelque chose qui lui appartient, qui laissera une trace. C’est quelque chose que l’on peut instituer dès la maternelle et poursuivre à tous les âges, en l’adaptant bien sûr. L’enfant peut coller un prospectus, une recette, un ticket de métro ou de musée, un billet de train, décrire sa journée ou un événement précis. Les parents peuvent écrire une phrase et l’enfant l’illustrer…” Un bon moyen de faire travailler la lecture, l’écriture, le graphisme, sans que l’enfant ait l’impression de faire du travail scolaire.

“Attention, il ne faut pas que ce soit rébarbatif. C’est aux parents d’en faire un moment privilégié avec leur enfant. L’occasion aussi pour les parents qui travaillent beaucoup d’avoir un petit regard sur ce que leurs enfants sont capables de faire, leurs apprentissages…”

Lire pour le plaisir

Les vacances sont propices à la lecture. Les enfants ont le temps – les parents aussi –, c’est le moment de les inciter à lire tous les jours. Profitez-en pour faire un petit tour en famille à la bibliothèque de votre quartier ou à la librairie pour faire le plein de livres pour les vacances.

N’hésitez pas à les guider dans leur sélection. Après leur lecture, vous pourrez leur poser quelques questions pour vérifier qu’ils ont bien compris le sens.

“Même si l’enfant est déjà bon lecteur, il faut continuer de lui lire des livres, conseille Karine Josse. En général, ils adorent ça !” Ce moment de complicité contribuera à associer la lecture au plaisir. “Si l’enfant a des difficultés de lecture et du mal à rentrer dans un roman, on peut l’orienter vers d’autres supports de lecture, selon Isabelle Pommier. Un magazine sur ses centres d’intérêt par exemple, mais aussi l’ordinateur, grâce auquel l’enfant peut faire des recherches sur quelque chose qu’il aime, un insecte qu’il aura observé par exemple.” “L’enfant doit comprendre que savoir lire, c’est intéressant”, souligne l’enseignante.

Sans oublier évidemment toutes les activités ludiques que l’on prend le temps d’organiser pendant les vacances et qui sont l’occasion de faire lire les enfants : jouer (lire une règle), cuisiner (une recette), visiter (un prospectus de musée)…

Un cahier de vacances pour qui ?

Conçus par des enseignants de la classe concernée, les cahiers de vacances sont faits de telle sorte que l’enfant ne puisse pas mal interpréter les énoncés. Mais, s’ils ont le mérite d’aider les enfants à revoir certaines notions, ils ne sont pas toujours aussi ludiques qu’ils en ont l’air. “À mon sens, les cahiers de vacances répondent à la névrose des parents, déclare Karine Josse. Ils peuvent être éventuellement un bon support si l’enfant n’a pas de réelle difficulté.” Il est vrai que les enfants qui les font volontiers sont généralement ceux qui n’en ont pas besoin. “Les enfants très scolaires aiment faire les cahiers de vacances, car ils restent dans quelque chose de très cadré, qu’ils connaissent, souligne Isabelle Pommier. Cela les rassure. Mais il ne faut pas hésiter à les orienter vers quelque chose d’autre, qui leur donnera de l’audace, de l’assurance. L’enfant apprendra bien plus en créant quelque chose, son propre journal de bord par exemple.” Quant à faire prendre de l’avance à votre enfant sur le programme de l’année suivante, n’y pensez même pas !

L’enfant en difficulté

Doit-on profiter des vacances pour aider l’enfant en difficulté à rattraper ses lacunes ? “Lui faire faire du travail scolaire va le remettre face à ses difficultés et risque de le dégoûter encore davantage de l’école”, prévient l’enseignante. Il vaut mieux développer chez lui d’autres compétences (apprendre à nager, développer son autonomie en l’envoyant en colonie…), ce sera bien plus valorisant.

“De toute façon, on ne récupère pas une année scolaire pendant les vacances”, souligne Karine Josse. En revanche, une remise en train progressive avant la rentrée peut s’avérer bénéfique. “Mais à petites doses, pas plus d’une demi-heure à une heure par jour, les quinze derniers jours avant la rentrée.” Le risque, bien sûr, c’est que les séances tournent au bras de fer. Tout l’enjeu pour le parent sera de ne pas se transformer en répétiteur scolaire, sous peine d’engendrer des conflits avec son enfant. Et de gâcher ses vacances et celles de son enfant. Certains établissements scolaires proposent des stages de révision avant la rentrée des classes, c’est un bon moyen de laisser l’école en dehors de la maison.

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Cet article est paru dans Lyon Capitale-le mensuel n° 713, où vous trouverez également deux pages d'idées de sorties, d'ateliers, de spectacles et de lectures pour les enfants. En vente en kiosques jusqu'au 30 août, et dans notre boutique en ligne.

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