Le Saint Florent intérieur
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“Fait maison” : coq au vin mariné pendant trois jours

Le ministère de l’Économie a publié mi-juillet un décret portant mention “Fait maison” permettant de distinguer les bons cuisiniers des moins bons. Qu’en pensent les intéressés ? Philippe Zagonel, chef du restaurant Le Saint-Florent, répond à Lyon Capitale.

le Saint Florent

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Des plombes qu'on avalait de travers. Et puis il y eut ce 11 juillet et son fameux dicton : à la Saint-Benoît, le coucou chante dans les bons endroits, ou bien il est mort de froid. On écopa de la deuxième partie de phrase, l'estomac dans les talons. Ce 11 juillet fut publié au Journal officiel le fameux décret sur le "fait maison". Ou comment "mieux informer le consommateur sur les plats qui lui sont servis", permettant de différencier les cuistots qui utilisent des produits frais de ceux qui assemblent les kits Lego de l'agro (alimentaire).

Sur le papier, l'idée faisait saliver. Dans l'assiette, on risque de dégobiller. "On est foutu, on mange trop. On est foutu, on mange trop. Mais qu'est-ce qu'on fera quand on sera gros ?" chante Souchon. Car peuvent entrer dans la composition d'un plat “fait maison” les produits "épluchés, à l'exception des pommes de terre [imaginez du McDo en "fait maison" ! NdlR], pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés, fumés, salés" mais aussi tous ceux qui sont "réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide". Mais, là où l'on reste comme deux ronds de flan, c'est lorsqu'il est dit que le restaurateur peut utiliser des produits transformés ailleurs, du moment qu'est indiquée la "marque du produit ou le nom du professionnel qui l'a fabriqué expressément". J'ai la rate qui s'dilate, j'ai le foie qu'est pas droit, j'ai le ventre qui se rentre, j'ai l'pylore qui s'colore...

Si, à Lyon Capitale, vous l'aurez sûrement compris, on s'est fait notre propre idée de ce label "fait maison", on est allé voir quelques restaurateurs pour savoir ce qu'ils en pensaient et comment ils travaillaient.

Restaurant : Le Saint Florent

Chef : Philippe Zagonel
Adresse : 106 cours Gambetta, Lyon 7e

Paule et Philippe Zagonel ont ouvert le Saint Florent il y a 28 ans. Elle est lyonnaise, lui est originaire de Bourg-en-Bresse. Leur spécialité ? La volaille de Bresse (80 % de la carte). Volaille crème, salade bressane, carpaccio de volaille, bréchets, coq au vin ou poule au pot l’hiver, etc. Le restaurant propose plusieurs menus, du jour (15,50 €), “à l’académie de la Bresse” (38,50 €). Le tout pour une cuisine "de terroir" décrite avec passion.

Lyon Capitale : Quel est votre point de vue sur le récent label “Fait maison” ?

Philippe Zagonel : Le label est une avancée, il fallait faire quelque chose, mais c’est un label de plus. Or les gens sont déjà un peu perdus. Beaucoup ne savent pas ce qu’est une AOC, une AOP ou un Label rouge. C’est aussi un peu vague, le “Fait maison” peut être un produit surgelé préparé sur place. Il y a juste les pommes de terre qui doivent être fraîches. Le label est cependant un bon départ, cela va se peaufiner avec le temps. Il y aura ensuite sans doute des améliorations à faire.

crème aux oeufs maison

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Le problème réside notamment dans le fait qu’un nombre important de restaurateurs n’est pas du métier. La restauration demande beaucoup de temps et de travail. Les desserts sont très souvent industriels. Les miens sont assez simples mais frais et faits maison. Je réalise moi-même les crèmes aux œufs, par exemple, avec une poudre de spéculos et du caramel de spéculos. Les raisins vignerons sont des raisins blancs et noirs macérés dans un coulis de fruits rouges, du marc du Bugey et de la crème de cassis. On fait nos pommes au four, avec une boule de glace et du coulis par-dessus. Les clients adorent, car on n’en trouve plus ailleurs. Mais, encore une fois, tout cela prend du temps, il faut tout peser, préparer, gérer le four, etc. Je suis au boulot dès 6h du matin.

Les 35h, les charges de personnel n’aident pas le fait maison. L’évolution de la consommation non plus : les clients sont moins nombreux le midi, mangent souvent un plat et un dessert plutôt qu’un menu, et sont plus pressés. Les plats industriels sont une réponse à ces contraintes.

D’ou proviennent vos produits ?

Tout ce qui touche à la volaille vient du Chapon Bressan (fournisseur entre autres de Paul Bocuse), à Montrevel-en-Bresse. Les produits laitiers sont issus de la coopérative Etrez, dans l’Ain. Beurre et crème sont AOC depuis deux ans.

Les produits d’épicerie sont achetés chez Métro, comme les fruits et légumes, qui sont toujours frais. Je vais aussi chez Promocash. Je n’ai pas de honte à le dire. Pour me soulager un peu, j’utilise parfois une ratatouille surgelée, il ne faut pas non plus tout condamner lorsque cela est congelé. Des produits préparés comme la pâte feuilletée sont bien et très utiles. J’achète aussi mon pain de campagne en surgelé chez Miko, précuit, en quignons individuels, et je termine la cuisson derrière. Il est toujours frais et chaud lorsque servi au client, et l’on évite les pertes. Je travaille aussi les poissons en surgelé, pour les plats du jour, car ce n’est pas ma spécialité. Mais je ne prends que du beau poisson, comme le filet de saint-pierre.

Sinon, je récupère tout, je fais un fond de volaille avec des ailerons, puis je les désosse, je les émince et les mélange à la crème épaisse avec du curry par exemple. Je peux ainsi les mettre dans des salades ou en amuse-bouches.

Pouvez-vous nous décrire un plat emblématique fait maison ?

Le coq au vin. Il y a du boulot dessus, mais cela me plaît vraiment. On découpe le coq et on prépare la marinade, à base de vin rouge. Je la fais avec des oignons, des échalotes, du thym, du laurier, de l’ail, du poivre concassé, du vert de poireau et des carottes. On laisse mariner trois jours, avant d’égoutter les morceaux. Je les fais ensuite revenir un par un dans la graisse de volaille, puis je les mets dans une casserole et les passe au four avec de la farine. J’ajoute après la marinade dans le coq, avec un fond de volaille. Ce dernier est issu de la carcasse cuite pendant une heure, avec de la garniture aromatique pour donner du goût. Je passe le tout au four et laisse mijoter pendant une heure et demie minimum. On ajoute des croûtons aillés, avec la garniture du jour, au minimum trois différentes pour tous nos plats : un féculent et d’autres accompagnements en fonction de la saison. En ce moment, on fait des champignons trompettes de la mort, il y a souvent des pleurotes, je peux faire des brunoises de légumes frais.

Je réalise aussi la tête de veau du menu lyonnais. J’adore faire mes propres soupes, telles que la soupe Parmentier. On peut faire revenir des oignons et mettre du bouillon de volaille avec la soupe. Je fais aussi du velouté de potiron, avec une grosse cuillère de crème épaisse par-dessus.

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