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Implants dentaires : une bombe à retardement ?

Pour certains professionnels, les implants dentaires low cost d’Asie préfigurent une seconde affaire du type “prothèses PIP”.

Bien que la très grande majorité des dentistes jure poser des implants dentaires français, de plus en plus se fournissent dans les laboratoires de l’Est, d’Asie (Chine, Inde, Israël, Thaïlande, Vietnam, Turquie), de Madagascar ou du Maghreb (Tunisie, Maroc, Algérie). L’ordre national des chirurgiens-dentistes estime que 15 % des prothèses posées en France sont importées de ces pays. L’Union nationale patronale des prothésistes dentaires pousse le chiffre à 30 %. Euroteknika Groupe, l’un des plus gros fabricants français d’implants dentaires, installé à Sallanches, en Haute-Savoie, va même jusqu’à 65 %.

Fausses déclarations

Si une partie de ces fausses dents étrangères n’a rien à envier à ses semblables françaises, une autre partie, en revanche, laisse songeur. Labocast, autre grand fabricant français de prothèses, explique que 95 % des dents qu’il vend sont réalisées à l’étranger, pour un tiers dans la filiale qu’il dirige à Madagascar et pour deux tiers en Chine, chez un sous-traitant qui emploie 3 000 personnes. Sauf qu’en 2009, selon Capital, le labo parisien s’est aperçu que ses implants, censés être fabriqués par sa filiale de Shenzhen, avaient été sous-traités à une autre société chinoise peu regardante sur la qualité et dont les procédures ne répondaient pas aux normes de qualité de Labocast. La même année, l’UFC-Que Choisir relevait une fausse déclaration de conformité d’un modèle de prothèse de Protilab, principal concurrent de Labocast : le type d’alliage utilisé n’était pas celui indiqué sur la fiche de traçabilité… Pour Alain Guillaume, du magazine Technologie dentaire, “les implants d’Asie sont souvent bas de gamme, ce sont des copies, légales ou non, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que c’est de la boulonnerie. On n’a aucune garantie. Il y a même des implants, avec le marquage “CE”, qui viennent des quatre coins de la planète”.

Prothèses chinoises radioactives

“Le côté positif des implants étrangers, notamment chinois, c’est que le prix des implants français a baissé. Il y avait de tels abus… On avait l’impression d’acheter une voiture pour quelques dents ! explique Frédéric Bachelier, un prothésiste récemment reconverti dans le courtage dentaire (il négocie les meilleurs prix des implants). Le côté inquiétant, c’est qu’on ne sait rien des procédés de fabrication. Le métal chinois, on ne sait pas trop ce que c’est. Il y a deux ans, aux États-Unis, il y a eu des cas d’empoisonnement : on avait retrouvé, dans les prothèses chinoises, des taux de plomb très largement supérieurs à ce qui était autorisé, et surtout des traces d’isotopes radioactifs ! Or la bouche électrolyse, donc ça contamine tout.”

“Dans les pays de l’Est, on récupère le chrome-cobalt servant à fabriquer les implants dentaires dans les moteurs d’avion”

En 2008, une septuagénaire américaine originaire de l’Ohio avait été malade suite à la pose d’une couronne chinoise, dont le taux de plomb était 210 fois plus élevé que le niveau maximal autorisé. Le reportage d’une télé locale, WBNS-10TV, avait ensuite montré qu’en plus de l’excès de plomb, des analyses révélaient des traces d’isotopes radioactifs… “Il existe une pratique courante dans les pays de l’Est – la Chine et l’Inde n’y échappent pas non plus j’imagine –, qui consiste à récupérer l’alliage chrome-cobalt, pour réaliser les couronnes et les bridges, dans des moteurs d’avion, détaille Pierre-Yves Besse, président de l’Union nationale patronale des prothésistes dentaires. Dans les années 1980, le patron du labo pour lequel je travaillais récupérait l’alliage dans les Durit d’hélicos. Quand on sait que l’Inde est la poubelle de l’Occident et qu’on leur envoie des trucs pleins d’amiante, ou pire… On peut tout imaginer.”

L’Inde… Resurgit l’affaire des boutons d’ascenseur radioactifs. En octobre 2008, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) faisait une descente en Isère, chez le fabricant d’équipements électriques Mafelec, qui produit des boutons pour les ascenseurs de la marque Otis. Plusieurs palettes de composants, environ trois tonnes, en provenance d’Inde présentaient une radioactivité au cobalt soixante fois supérieure aux normes habituelles. Les 200 employés de Mafelec avaient été évacués. Otis avait dû retirer les boutons de plus de 500 ascenseurs. Fait extrêmement rare pour une entreprise n’appartenant pas au secteur nucléaire, l’ASN avait classé l’incident au niveau 2 (sur 7) de l’échelle INES des événements nucléaires. Et Frédéric Bachelier et Pierre-Yves Besse d’alerter : “Les prothèses dentaires, c’est une bombe à retardement. On est sur la même affaire que les prothèses mammaires PIP.”

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